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We prove that the Tate conjecture in codimension 11 over a finitely generated field follows from the same conjecture for surfaces over its prime subfield. In positive characteristic, this is due to de Jong–Morrow over 𝐅p\mathbf{F}_{p} and to Ambrosi for the reduction to 𝐅p\mathbf{F}_{p}. We give a different proof than Ambrosi’s, which also works in characteristic 0; over 𝐐\mathbf{Q}, the reduction to surfaces follows from a simple argument using Lefschetz’s (1,1)(1,1) theorem.

Sur la conjecture de Tate pour les diviseurs

Bruno Kahn IMJ-PRG
Case 247
4 place Jussieu
75252 Paris Cedex 05
France
[email protected]
(1er1^{er} février 2023)
Résumé

On montre que la conjecture de Tate en codimension 11 sur un corps de type fini résulte de la même conjecture pour les surfaces sur son sous-corps premier. En caractéristique positive, ceci est dû à de Jong–Morrow sur 𝐅p\mathbf{F}_{p} et à Ambrosi pour la réduction à 𝐅p\mathbf{F}_{p}. Nous montrons cette dernière réduction d’une manière différente, qui fonctionne aussi en caractéristique zéro. Sur 𝐐\mathbf{Q}, la réduction aux surfaces se fait par un argument facile reposant sur le théorème (1,1)(1,1) de Lefschetz.

keywords:
Tate conjecture, divisors
1991 Mathematics Subject Classification:
[2020] 14C25

Introduction

La conjecture de Tate est l’une des plus célèbres en géométrie arithmétique: formulée en 1965 dans [24], elle prédit que l’application classe de cycle ll-adique [9]

clXi:CHi(X)𝐐lH2i(Xks,𝐐l(i))Gal(ks/k)\operatorname{cl}^{i}_{X}:CH^{i}(X)\otimes\mathbf{Q}_{l}\to H^{2i}(X_{k_{s}},\mathbf{Q}_{l}(i))^{Gal(k_{s}/k)} (1)

est surjective pour tout entier i0i\geq 0 et toute variété projective lisse XX sur un corps kk de type fini, de caractéristique différente de ll et de clôture séparable ksk_{s}. Elle a été démontrée dans de nombreux cas particuliers, mais reste ouverte en général même pour i=1i=1. Pour un exposé détaillé qui reste largement d’actualité, je renvoie à [26] (voir aussi [17]).

Il est connu que pour i=1i=1, la conjecture de Tate pour les corps premiers l’implique en général: en caractéristique zéro cela se déduit du théorème de spécialisation des groupes de Néron-Severi dû à Yves André ([2, Theorem 5.2 3], [1, 1.3.3]), et en caractéristique positive cela résulte d’un théorème d’Emiliano Ambrosi [1, th. 1.2.1]. Ambrosi démontre plus: la conjecture de Tate en codimension ii sur les corps finis l’implique pour tous les corps de type fini de caractéristique positive, sous une hypothèse de semi-simplicité qui résulte de la conjecture de Tate quand i=1i=1. Sa preuve, étendant au cas d’un corps fini un argument d’André en caractéristique zéro [2, §5.1], utilise le théorème global des cycles invariants de Deligne et la cyclicité du groupe de Galois absolu de 𝐅p\mathbf{F}_{p}.

L’objet de cette note est d’offrir une démonstration plus élémentaire de cette réduction (uniquement pour i=1i=1), qui fonctionne uniformément en toute caractéristique: inspirée de la preuve de [12, th. 8.32 a)], elle consiste à étendre la conjecture de Tate aux variétés lisses ouvertes (théorème 1). Cette idée, due originellement à Jannsen [10], permet de remplacer avantageusement le recours au théorème global des cycles invariants par une simple utilisation du critère de dégénérescence des suites spectrales de Deligne [4, 5]. Un argument élémentaire de correspondances permet par ailleurs de se débarrasser aisément du problème de semi-simplicité qui apparaît aussi chez Jannsen (lemme 2 et proposition 1).

D’après de Jong et Morrow [21], la conjecture de Tate pour i=1i=1 en caractéristique positive se réduit même au cas des surfaces sur un corps fini (cette dernière conjecture étant par ailleurs équivalente à la conjecture de Birch et Swinnerton-Dyer pour les variétés abéliennes sur les corps de fonctions d’une variable sur kk, voir remarque 1). La même chose est vraie en caractéristique zéro (théorème 2), en utilisant le théorème (1,1) de Lefschetz via les théorèmes de comparaison cohomologiques.

English introduction

The famous Tate conjecture, which predicts that the ll-adic cycle class map (1) is surjective for smooth projective varieties XX over finitely generated fields kk, was formulated back in 1965 [24], but remains open up to now, even though it has been proven in important special cases [26, 17]. This is so even for i=1i=1.

In this case, the Tate conjecture over prime fields implies it in general by work of Emiliano Ambrosi [1, th. 1.2.1 and 1.3.3]. In characteristic 0, the argument uses Yves André’s specialisation theorem for the Néron-Severi group [2, Theorem 5.2 3], while in positive characteristic, Ambrosi’s proof relies in particular on the cyclicity of Gal(𝐅¯p/𝐅p)Gal(\bar{\mathbf{F}}_{p}/\mathbf{F}_{p}).

The aim of this note is to offer a simple proof of this reduction, which works uniformly in all characteristics (Proposition 3). It is however special to codimension 11, while Ambrosi’s argument also works (in positive characteristic) in any codimension ii under a semi-simplicity hypothesis which follows from Tate’s conjecture if i=1i=1.

There are two ideas: the first is to get rid of the semi-simplicity issue by a simple argument of correspondences (Lemma 2), and the second is to extend the Tate conjecture for divisors from smooth projective to (all) smooth varieties (Theorem 1). This idea goes back to Jannsen [10]; its point is that it allows us to replace Ambrosi’s use of Deligne’s global invariant cycles theorem (an argument going back to André in characteristic 0 [2, §5.1]) by the degeneracy of the ll-adic Leray spectral sequence, also due to Deligne. This is a reformulation of the arguments given in [12, proof of th. 8.32 a)], specialised to codimension 11 (see also [13, Th. 3.4]); the first idea is new.

When k=𝐅pk=\mathbf{F}_{p}, a theorem of de Jong and Morrow [21] even reduces the Tate conjecture for divisors to surfaces. (This case is in turn equivalent to the Birch and Swinnerton-Dyer conjecture for abelian varieties over global fields of positive characteristic, see Remark 1.) Over 𝐐\mathbf{Q}, the same reduction holds (Theorem 2): the proof involves the Lefschetz (1,1) theorem via the cohomological comparison theorems.

1. Notations

Soient kk un corps et XX une kk-variété lisse. Soient ksk_{s} une clôture séparable de kk et ll un nombre premier différent de cark\operatorname{car}k. On note Hj(X,i):=Hj(Xks,𝐐l(i))H^{j}(X,i):=H^{j}(X_{k_{s}},\mathbf{Q}_{l}(i)); de même pour la cohomologie à supports. On note clXi:CHi(X)𝐐lH2i(X,i)\operatorname{cl}^{i}_{X}:CH^{i}(X)\otimes\mathbf{Q}_{l}\to H^{2i}(X,i) la classe de cycle, et simplement clX\operatorname{cl}_{X} pour clX1\operatorname{cl}^{1}_{X}.

2. Une rétraction

Supposons XX projective de dimension dd. Pour idi\leq d, choisissons une base (Z¯1,,Z¯r)(\bar{Z}^{1},\dots,\bar{Z}^{r}) du groupe Ni(X)𝐐N^{i}(X)_{\mathbf{Q}} des cycles de codimension ii sur XX modulo l’équivalence numérique, à coefficients rationnels et notons (Z¯1,,Z¯r)(\bar{Z}_{1},\dots,\bar{Z}_{r}) la base duale dans Ni(X)𝐐N_{i}(X)_{\mathbf{Q}}, de sorte que Z¯i,Z¯j=δij\langle\bar{Z}^{i},\bar{Z}_{j}\rangle=\delta_{ij}111Rappelons que Ni(X)𝐐N^{i}(X)_{\mathbf{Q}} et Ni(X)𝐐N_{i}(X)_{\mathbf{Q}} sont des 𝐐\mathbf{Q}-espaces vectoriels de dimension finie [7, ex. 19.1.4], mis en dualité par l’accouplement d’intersection.. Relevons les Z¯i\bar{Z}^{i} and Z¯i\bar{Z}_{i} en des classes de cycle ZiCHi(X)𝐐Z^{i}\in CH^{i}(X)_{\mathbf{Q}}, ZiCHi(X)𝐐Z_{i}\in CH_{i}(X)_{\mathbf{Q}}. Soit (cf. [14, dém. de la prop. 7.2.3])

e=aZa×ZaCHd(X×X)𝐐e=\sum_{a}Z^{a}\times Z_{a}\in CH^{d}(X\times X)_{\mathbf{Q}}

vu comme correspondance algébrique, où ×\times est le cross-produit des cycles.

Lemme 1.

On a e2=ee^{2}=e.

Démonstration.

Pour Z,ZCHi(X)Z,Z^{\prime}\in CH^{i}(X) et T,TCHi(X)T,T^{\prime}\in CH_{i}(X), on a l’identité

(Z×T)(Z×T)=Z,TZ×T(Z\times T)\circ(Z^{\prime}\times T^{\prime})=\langle Z^{\prime},T\rangle Z\times T^{\prime}

dans l’anneau des correspondances de Chow CHd(X×X)CH^{d}(X\times X), où ,\langle,\rangle est le produit d’intersection: cela résulte immédiatement de la définition de la composition des correspondances [7, Déf. 16.1.11]. ∎

Lemme 2.

Soit VV le sous-espace vectoriel de ImclXi\operatorname{Im}\operatorname{cl}^{i}_{X} engendré par les ZaZ^{a}. L’action de ee sur H2i(X,i)H^{2i}(X,i) définit une rétraction GG-équivariante de l’inclusion VH2i(X,i)V\hookrightarrow H^{2i}(X,i). En particulier, si i=1i=1, elle définit une rétraction de clX\operatorname{cl}_{X}.

Démonstration.

Soit xH2i(X,i)x\in H^{2i}(X,i). Pour (Z,T)CHi(X)×CHi(X)(Z,T)\in CH^{i}(X)\times CH_{i}(X), on a

(Z×T)x=<x,cli(T)>cli(Z)(Z\times T)^{*}x=<x,\operatorname{cl}_{i}(T)>\operatorname{cl}^{i}(Z)

<,><,> est l’accouplement de Poincaré, cf. [7, déf. 16.1.2]. Cela montre que e(H2i(X,i))Ve(H^{2i}(X,i))\allowbreak\subset V, et aussi que sa restriction à ce sous-espace est l’identité.

Le cas i=1i=1 résulte du théorème de Matsusaka [20] (équivalences homologique et numérique coïncident en codimension 11). ∎

3. Passage aux variétés lisses ouvertes

Supposons kk de type fini, et XX seulement lisse. On s’intéresse à l’extension suivante de la conjecture de Tate:

T(X)T(X):

l’homomorphisme “classe de diviseur” clX:Pic(X)𝐐lH2(X,1)G\operatorname{cl}_{X}:\operatorname{Pic}(X)\otimes\mathbf{Q}_{l}\to H^{2}(X,1)^{G} est surjectif, où G=Gal(ks/k)G=Gal(k_{s}/k).

T(k)T(k):

T(X)T(X) pour toutes les kk-variétés lisses XX.

Aux notations près, cette conjecture est due à Jannsen [10, conj. 7.3], qui l’étend même aux variétés singulières (avec l’homologie de Borel-Moore). Dans [10, th. 7.10 b)], il la réduit au cas des variétés projectives lisses sous une hypothèse de semi-simplicité (b), en bas de [10, p. 113]) qui n’est pas connue en général même pour H2H^{2}. Le but de cette section est de faire cette réduction (théorème 1) en évitant l’hypothèse de semi-simplicité grâce à la proposition 1 ci-dessous. Bien sûr, ceci ne marche que pour les cycles de codimension 11!

Dans la suite, on note

Htr2(X,1)=CokerclX.H^{2}_{\operatorname{tr}}(X,1)=\operatorname{Coker}\operatorname{cl}_{X}.
Proposition 1.

Pour XX projective lisse, T(X)T(X) équivaut à Htr2(X,1)G=0H^{2}_{\operatorname{tr}}(X,1)^{G}\allowbreak=0.

Démonstration.

L’implication Htr2(X,1)G=0H^{2}_{\operatorname{tr}}(X,1)^{G}=0 \Rightarrow T(X)T(X) est évidente. L’autre résulte du lemme 2. ∎

Lemme 3.

Soit f:XXf:X^{\prime}\to X un morphisme fini et plat de kk-variétés lisses. Alors T(X)T(X)T(X^{\prime})\Rightarrow T(X).

Démonstration.

En effet, f:H2(X,1)H2(X,1)f^{*}:H^{2}(X,1)\to H^{2}(X^{\prime},1) admet la rétraction GG-équivariante (1/deg(f))f(1/\deg(f))f_{*}, et ces deux homomorphismes commutent avec les homomorphismes correspondants entre Pic(X)𝐐l\operatorname{Pic}(X)\otimes\mathbf{Q}_{l} et Pic(X)𝐐l\operatorname{Pic}(X^{\prime})\otimes\mathbf{Q}_{l} via clX\operatorname{cl}_{X} et clX\operatorname{cl}_{X^{\prime}}. ∎

Proposition 2.

a) Soit UU un ouvert de XX. Alors T(U)T(X)T(U)\Rightarrow T(X).
b) La réciproque est vraie si XX est projective.

Démonstration.

Notons que clX\operatorname{cl}_{X} se factorise par NS(X)𝐐l\operatorname{NS}(X)\otimes\mathbf{Q}_{l}NS(X)\operatorname{NS}(X) est le groupe de Néron-Severi de XX. Soit Z=XUZ=X-U (structure réduite). On a un diagramme commutatif aux lignes exactes

xZX(1)𝐐lNS(X)𝐐lNS(U)𝐐l0cl¯Xcl¯UHZ2(X,1)δH2(X,1)H2(U,1)HZ3(X,1)\tiny{\begin{CD}\bigoplus\limits_{x\in Z\cap X^{(1)}}\mathbf{Q}_{l}@>{}>{}>\operatorname{NS}(X)\otimes\mathbf{Q}_{l}@>{}>{}>\operatorname{NS}(U)\otimes\mathbf{Q}_{l}@>{}>{}>0\\ @V{}V{}V@V{\bar{\operatorname{cl}}_{X}}V{}V@V{\bar{\operatorname{cl}}_{U}}V{}V\\ H^{2}_{Z}(X,1)@>{\delta}>{}>H^{2}(X,1)@>{}>{}>H^{2}(U,1)@>{}>{}>H^{3}_{Z}(X,1)\end{CD}} (2)

où la ligne du bas est la suite exacte de cohomologie à supports et la flèche verticale de gauche est surjective (en fait bijective) par semi-pureté [9, 2.2.6 et 2.2.8]. On en déduit un nouveau diagramme commutatif aux lignes exactes

xZX(1)𝐐lNS(X)𝐐lNS(U)𝐐l0cl¯Xcl¯U0ImδH2(X,1)GH2(U,1)G\tiny{\begin{CD}&&\bigoplus\limits_{x\in Z\cap X^{(1)}}\mathbf{Q}_{l}@>{}>{}>\operatorname{NS}(X)\otimes\mathbf{Q}_{l}@>{}>{}>\operatorname{NS}(U)\otimes\mathbf{Q}_{l}@>{}>{}>0\\ &&@V{}V{}V@V{\bar{\operatorname{cl}}_{X}}V{}V@V{\bar{\operatorname{cl}}_{U}}V{}V\\ 0@>{}>{}>\operatorname{Im}\delta @>{}>{}>H^{2}(X,1)^{G}@>{}>{}>H^{2}(U,1)^{G}\end{CD}} (3)

où la flèche verticale de gauche est surjective. L’assertion résulte alors d’une petite chasse aux diagrammes.

b) Supposons d’abord kk parfait. D’après a), on peut choisir UU aussi petit qu’on veut. Prenons Z=XUZ=X-U assez gros pour contenir des diviseurs D1,,DrD_{1},\dots,D_{r} dont les classes engendrent NS(X)\operatorname{NS}(X). Alors NS(U)=0\operatorname{NS}(U)=0 et il faut montrer que H2(U,1)G=0H^{2}(U,1)^{G}=0. Or le diagramme (2) montre que la suite

NS(X)𝐐lcl¯XH2(X,1)H2(U,1)HZ3(X,1)\operatorname{NS}(X)\otimes\mathbf{Q}_{l}\xrightarrow{\bar{\operatorname{cl}}_{X}}H^{2}(X,1)\to H^{2}(U,1)\to H^{3}_{Z}(X,1)

est exacte. Avec la notation de la proposition 1, on a donc une suite exacte

0Htr2(X,1)GH2(U,1)GHZ3(X,1)G.0\to H^{2}_{\operatorname{tr}}(X,1)^{G}\to H^{2}(U,1)^{G}\to H^{3}_{Z}(X,1)^{G}.

Si T(X)T(X) est vrai, le terme de gauche est nul par cette proposition. Il reste à voir que le terme de droite l’est également. Soit ZZ^{\prime} la réunion du lieu singulier de ZZ et de ses composantes irréductibles de codimension 2\geq 2 dans XX: la suite exacte de cohomologie à supports

0HZ3(X,1)HZ3(X,1)HZZ3(XZ,1)H1(ZZ,0)0\simeq H^{3}_{Z^{\prime}}(X,1)\to H^{3}_{Z}(X,1)\to H^{3}_{Z-Z^{\prime}}(X-Z^{\prime},1)\simeq H^{1}(Z-Z^{\prime},0)

où le premier (resp. second) isomorphisme est par semi-pureté (resp. par pureté) [9, 2.2.8], montre que HZ3(X,1)GH^{3}_{Z}(X,1)^{G} s’injecte dans H1(ZZ,0)GH^{1}(Z-Z^{\prime},0)^{G}. Mais ce dernier groupe est trivial, car H1(ZZ,0)H^{1}(Z-Z^{\prime},0) est mixte de poids 1\geq 1 [3, cor. 3.3.5].222Au moins sur un corps fini, ce dernier point peut se déduire plus élémentairement du théorème antérieur de A. Weil pour les courbes [27, n° 48], en utilisant le fait que H1(ZZ,0)H^{1}(Z-Z^{\prime},0) est isomorphe au module de Tate rationnel de la variété d’Albanese de ZZZ-Z^{\prime} via un morphisme d’Albanese.

L’argument ci-dessus utilise implicitement le fait que les composantes irréductibles de codimension 11 de ZZ sont génériquement lisses. Pour obtenir ceci quand kk est imparfait, il suffit de passer à une extension radicielle finie convenable de kk, ce qui ne change ni H2(X,1)H^{2}(X,1), ni Pic(X)𝐐l\operatorname{Pic}(X)\otimes\mathbf{Q}_{l}, ni GG. ∎

Théorème 1.

T(X)T(X) est vrai pour les kk-variétés lisses de dimension dd si et seulement s’il est vrai pour les kk-variétés projectives lisses de dimension dd.

Démonstration.

Soit XX lisse de dimension dd. Choisissons une immersion ouverte dense XX0X\hookrightarrow X_{0}X0X_{0} est propre. D’après [11, Th. 4.1], on peut trouver une altération π:X~X0\pi:\tilde{X}\to X_{0} avec X~\tilde{X} projective lisse et π\pi génériquement fini. Soit UXU\subset X un ouvert tel que π|π1(U)\pi_{|\pi^{-1}(U)} soit fini et plat.

Supposons T(X~)T(\tilde{X}) vrai. Par la proposition 2 b), T(π1(U))T(\pi^{-1}(U)) est vrai. D’après le lemme 3, T(U)T(U) est donc vrai, et enfin T(X)T(X) est vrai par la proposition 2 a). ∎

4. Changement de corps de base

Proposition 3.

Soit K/kK/k une extension de corps de type fini. Alors T(k)T(K)T(k)\iff T(K).

Démonstration.

En quatre étapes; les deux premières et la dernière sont bien connues et valables en toute codimension; elles sont rappelées pour la clarté de l’exposition. Pour plus de précision, on note ici GK=Gal(Ks/K)G_{K}=Gal(K_{s}/K).

1) Soit XX lisse sur KK, connexe et de corps des constantes LL. Comme XX est lisse, L/KL/K est séparable. Je dis que, avec des notations évidentes, T(X/K)T(X/L)T(X/K)\iff T(X/L). En effet, le GKG_{K}-module H2(X/K,1)H^{2}(X/K,1) est induit du GLG_{L}-module H2(X/L,1)H^{2}(X/L,1), donc H2(X/K,1)GKH2(X/L,1)GLH^{2}(X/K,1)^{G_{K}}\xrightarrow{\sim}H^{2}(X/L,1)^{G_{L}}.

2) L’énoncé est vrai si K/kK/k est finie séparable. En effet, \Rightarrow résulte immédiatement de 1). Pour \Leftarrow, on se ramène à K/kK/k galoisienne en considérant sa clôture galoisienne; si XX est lisse sur kk, T(XK)T(X_{K}) implique alors T(X)T(X) en prenant les invariants sous Gal(K/k)Gal(K/k).

3) Soit k0k_{0} le sous-corps premier de KK; montrons que T(k0)T(K)T(k_{0})\Rightarrow T(K). Il suffit grâce au théorème 1 de montrer que T(k0)T(k_{0}) implique T(X)T(X) pour toute KK-variété projective lisse XX. L’argument est une version simplifiée de celle de [12, th. 8.32 a)].

On peut supposer XX connexe. Soit LL son corps des constantes, et soit k1k_{1} la fermeture algébrique de k0k_{0} dans LL. Puisque k1k_{1} est parfait, l’extension L/k1L/k_{1} est régulière; choisissons-en un k1k_{1}-modèle lisse SS. Quitte à remplacer SS par un ouvert, étendons XX en un SS-schéma projectif lisse f:𝒳Sf:\mathcal{X}\to S. Notant S¯=Sk1ks\bar{S}=S\otimes_{k_{1}}k_{s}, on a la suite spectrale de Leray (de 𝐐l[[Gk1]]\mathbf{Q}_{l}[[G_{k_{1}}]]-modules)

E2p,q=Hp(S¯,Rqf𝐐l(1))Hp+q(𝒳,1).E_{2}^{p,q}=H^{p}(\bar{S},R^{q}f_{*}\mathbf{Q}_{l}(1))\Rightarrow H^{p+q}(\mathcal{X},1).

D’après [4] (voir aussi [5]), le choix d’une section hyperplane lisse 𝒴/S\mathcal{Y}/S de 𝒳/S\mathcal{X}/S et le théorème de Lefschetz difficile [3, th. 4.1.1] font dégénérer cette suite spectrale, montrant aussi que la filtration sur l’aboutissement est scindée333Le résultat précis de [4, Prop. 2.4] ou de [5, §2 ou §3] est que Rf𝐐lRf_{*}\mathbf{Q}_{l} est isomorphe à i0Rif𝐐l[i]\bigoplus_{i\geq 0}R^{i}f_{*}\mathbf{Q}_{l}[-i] dans la catégorie dérivée.. En particulier, l’homomorphisme “edge” H2(𝒳,1)E20,2=H2(X,1)π1(S¯)H^{2}(\mathcal{X},1)\to E_{2}^{0,2}=H^{2}(X,1)^{\pi_{1}(\bar{S})} admet une section Gk1G_{k_{1}}-équivariante; par conséquent, H2(𝒳,1)Gk1H2(X,1)GLH^{2}(\mathcal{X},1)^{G_{k_{1}}}\to H^{2}(X,1)^{G_{L}} est surjectif; en effet, GLπ1(S)G_{L}\to\pi_{1}(S) est surjectif puisque SS est géométriquement connexe. Avec les notations de 1), on a donc T(𝒳/k0)T(𝒳/k1)T(X/L)T(X/K)T(\mathcal{X}/k_{0})\Rightarrow T(\mathcal{X}/k_{1})\Rightarrow T(X/L)\Rightarrow T(X/K). (Noter que k1/k0k_{1}/k_{0} est séparable puisque k0k_{0} est parfait.)

4) Finalement, montrons que T(K)T(k0)T(K)\Rightarrow T(k_{0}), ce qui terminera la démonstration. Soit, comme ci-dessus, k1k_{1} la fermeture algébrique de k0k_{0} dans KK. Donnons-nous une k0k_{0}-variété projective lisse XX; rappelons que NS(Xk1)𝐐lNS(XK)𝐐l\operatorname{NS}(X_{k_{1}})\otimes\mathbf{Q}_{l}\to\operatorname{NS}(X_{K})\otimes\mathbf{Q}_{l} est bijectif (c’est vrai en général pour les classes de cycles modulo l’équivalence algébrique, voir par exemple [15, prop. 5.5] et sa preuve). Ceci montre que T(XK)T(Xk1)T(X_{K})\Rightarrow T(X_{k_{1}}); mais d’autre part T(Xk1)T(X)T(X_{k_{1}})\Rightarrow T(X) par 2). ∎

Théorème 2.

Soit k0k_{0} le sous-corps premier de kk. Alors T(S)T(S) pour toutes les surfaces projectives lisses SS sur k0k_{0} \Rightarrow T(k)T(k).

Démonstration.

D’après la proposition 3, on se ramène à k=k0k=k_{0}. Si k=𝐐k=\mathbf{Q}, soit XX une variété projective lisse connexe de dimension d2d\geq 2, de corps des constantes k1k_{1}. D’après le point 1) de la preuve de la rpoposition 3, on peut remplacer 𝐐\mathbf{Q} par k1k_{1}. Choisissons un plongement complexe k1𝐂k_{1}\hookrightarrow\mathbf{C}. Par les théorèmes de comparaison, l’équivalence homologique ll-adique pour Xk1𝐐¯X\otimes_{k_{1}}\bar{\mathbf{Q}} coïncide avec la même pour Xk1𝐂X\otimes_{k_{1}}\mathbf{C}, qui coïncide avec l’équivalence homologique pour la cohomologie de Betti; notons Ahomi(X¯)A^{i}_{\operatorname{hom}}(\bar{X}) les quotients correspondants. Choisissons un k1k_{1}-plongement projectif X𝐏NX\hookrightarrow\mathbf{P}^{N}, d’où un faisceau très ample LL; le théorème de Lefschetz fort (pour la cohomologie de Betti) implique que c1(L)d2:Ahom1(X¯)Ahomd1(X¯)\cup c_{1}(L)^{d-2}:A^{1}_{\operatorname{hom}}(\bar{X})\to A^{d-1}_{\operatorname{hom}}(\bar{X}) est injectif, et même bijectif grâce au théorème (1,1) de Lefschetz [19, preuve du cor. 1]. Comme Ahom(X)Ahom(X¯)Gal(𝐐¯/k1)A^{*}_{\operatorname{hom}}(X)\xrightarrow{\sim}A^{*}_{\operatorname{hom}}(\bar{X})^{Gal(\bar{\mathbf{Q}}/k_{1})}, on a aussi un isomorphisme c1(L)d2:Ahom1(X)Ahomd1(X)\cup c_{1}(L)^{d-2}:A^{1}_{\operatorname{hom}}(X)\xrightarrow{\sim}A^{d-1}_{\operatorname{hom}}(X). Mais, si i:SXi:S\hookrightarrow X est une surface (lisse, connexe) ample donnée par le théorème de Bertini, cet isomorphisme se factorise en

Ahom1(X)iAhom1(S)iAhomd1(X)A^{1}_{\operatorname{hom}}(X)\xrightarrow{i^{*}}A^{1}_{\operatorname{hom}}(S)\xrightarrow{i_{*}}A^{d-1}_{\operatorname{hom}}(X)

et de même pour l’isomorphisme correspondant H2(X,1)H2d2(X,d1)H^{2}(X,1)\xrightarrow{\sim}H^{2d-2}(X,d-1), de manière compatible aux classes de cycles. Une petite chasse aux diagrammes montre alors que T(S)T(X)T(S)\Rightarrow T(X).

Si k=𝐅pk=\mathbf{F}_{p}, Morrow se ramène d’abord au cas dimX3\dim X\leq 3 par le théorème de Lefschetz faible pour la cohomologie ll-adique [6, cor. I.9.4] et pour le groupe de Picard [8, cor. 4.9 b)], puis au cas d’une surface dans [21, th. 4.3]. Le premier point est un peu délicat, comme me l’a fait remarquer Juan Felipe Castro Cárdenas: il n’est pas clair que, pour le groupe de Picard, Lefschetz faible soit vrai pour les diviseurs réduits, en l’absence du théorème d’annulation de Kodaira (cf. [8, rem. 4.10]). Néanmoins, l’argument de la preuve de [21, th. 4.3] pour réduire le cas de la dimension 33 à celui de la dimension 22 marche aussi bien, et même mieux, pour réduire le cas de la dimension d+1d+1 à celui de la dimension dd quand d3d\geq 3: dans ce cas, toutes les inclusions horizontales du diagramme de la page 3495 sont des égalités. ∎

Remarque 1.

D’après [18], la conjecture T(S)T(S) pour les surfaces SS sur un corps fini kk est équivalente à la conjecture de Birch et Swinnerton-Dyer pour les jacobiennes de courbes sur les corps de fonctions d’une variable K/kK/k. Cette dernière implique la même conjecture pour toute variété abélienne AA définie sur KK: en effet, ladite conjecture est équivalente à la finitude de la composante ll-primaire X(K,A){l}\cyr{X}(K,A)\{l\} du groupe de Tate-Šafarevič X(K,A)\cyr{X}(K,A) [23, 16]. Si i:CAi:C\hookrightarrow A est une courbe ample, l’homomorphisme i:J(C)Ai_{*}:J(C)\to A est surjectif (Weil, voir [22, Lemma 2.3]), donc il existe σ:AJ(C)\sigma:A\to J(C) tel que iσi_{*}\circ\sigma soit la multiplication par un entier n>0n>0, d’où nX(K,A)iX(K,J(C))n\cyr{X}(K,A)\subset i_{*}\cyr{X}(K,J(C)). Mais on sait que X(K,A){l}\cyr{X}(K,A)\{l\} est de cotype fini, donc la finitude de X(K,J(C)){l}\cyr{X}(K,J(C))\{l\} implique celle de X(K,A){l}\cyr{X}(K,A)\{l\}.

À ce stade, il est obligatoire de terminer avec la question évidente:

Question 1.

Peut-on réduire le cas de caractéristique zéro à celui de la caractéristique positive?

Par changement de base propre et lisse et par le théorème de Čebotarev, cette question est équivalente à la suivante:

Question 2.

Soit SS une 𝐐\mathbf{Q}-surface projective lisse, et soit αH2(S,1)\alpha\in H^{2}(S,1). Supposons que, pour (presque) tout nombre premier pp de bonne réduction, la spécialisation de α\alpha en pp soit algébrique. Est-ce que α\alpha est algébrique?

Références

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